crazed lions × (north)

— crazed lionsHERMÈS & NORTH

Le cœur battant à tout rompre.
Il avait suffit à Hermès de remettre un pied à Roseraie pour être assailli par les fantômes de son passé et se sentir submergé entre souvenir et réalité –souvent alcoolisé, il peinait parfois à faire la différence et c’était l’angoisse croissante et éreintante qui s’emparait de lui chaque fois qu’il se perdait entre les deux.
Ça avait été pire encore, sur le chemin qui menait à la demeure Darragh.

Il ne savait pas encore tout à fait formuler l’impulsion qui s’était emparée de lui –rentrer à la maison. Pouvait-il encore l’appeler son foyer, alors qu’il avait tant changé ? Il n’avait pas l’intention d’y rester mais retrouver Clovis et Selena semblait l’avoir ramené sur des rails un peu plus certains qu’autrefois –et ils avaient surtout rallumé en lui quelque chose qu’il avait cru à jamais éteint.
Comme des braises à peine érubescentes ; il suffisait de souffler dessus pour raviver rien qu’un instant l’éclat incandescent.
Des braises incertaines —c’était Hermès à l’instant.

Il n’avait pas pu se résoudre, finalement, à retrouver ses parents. Il craignait trop que telle rencontre, au lieu d’être le nouveau souffle qui fera renaître sa flamme, ne se fasse raz-de-marée submergeant à jamais tout espoir de se tenir fier la tête hors de l’eau.
Alors Hermès était allé voir North ; et si c’était un peu moins dur, la tâche n’en demeurait pas aisée pour autant.

On l’avait fait attendre dans l’entrée, et quand enfin son frère daigna se montrer, Hermès se sentit s’effondrer un peu plus en dedans –n’en montra rien.

« North, fit-il pour simple salut, accompagné d’un hochement de tête. »

Hermès avait jusqu’ici raté presque toutes ses retrouvailles ; ne sachant plus comment agir avec des proches qu’il avait l’impression de ne plus connaitre.
Alors avec un frère qu’il n’avait jamais vraiment connu ? Quelle bonne blague.

« Sympa la maison, fit-il en se fendant d’un sourire narquois –parce qu’il ne savait faire que ça. »

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Votre frère est là. Il a fait reculer son siège sans un bruit alors que la colère rugit en lui. Il s’est exilé, a déserté, pense toujours être hors d’accès, mais ils ne respectent rien et il n’arrivera jamais à briser ces liens qui le soumettent à la fraternité. Il se demande ce qu’il peut bien lui vouloir, à s’inviter chez lui sans y être convié, à le déranger alors qu’il ne connaît pas la paix, à user de son statut de frère aîné pour s’imposer quand il le souhaite; comme le dernier arrivé à la fête. Roi de rien, héritier de tout - putain de fraterie.
Faîtes-le attendre à l’entrée.
Il rejoint son hôte, l’air absent, préoccupé par toutes les activités inexistantes qu’il devrait inventer pour écourter leur échange. C’est l’aîné qu’il s’attend à accueillir, celui qui réussit toujours à lui nuire, celui qui ne peut pas favoriser un pigeon à sa présence nuisante. Alors, devant celui qui se présente face à lui, portrait nouveau de celui qu'il a anciennement connu, il comprend qu’il n’a jamais été question du plus grand - mais du plus jeune. Et dans sa léthargie, ce qui aurait dû être stupéfaction se fend en consternation. Il ne s’attendait pas à le revoir avant un improbable alignement cosmique des astres - quel désastre.
» Hermès. Il déterre ce prénom qu’il n’a pas prononcé depuis des années, enseveli sous le poids de l’oubli. Ceux que la vie a séparé, lui qui ne pensait le retrouver que dans la mort - à tort. Il ne distingue plus le moment où le trois est devenu un deux, où le manque s’est fait habitude et où l’espoir de le recroiser s’est transformé en réticence, puis en résignation.
» Tu trouves ? Elle est encore plus sympa quand tu ne t’y invites pas. Il pense à demander à ce qu’on l’escorte dehors, mais l’hospitalité de son rang condamne l’hostilité. D’un mouvement bref, il fait signe à l’étranger de le suivre, l’invite à s’installer dans le séjour anciennement réservé aux personnes qu’il estimait - jusqu’à ce qu’Hermès y passe.
Quelqu’un leur serre un verre, habitude de la maison même lorsqu’il y a trahison. Il décline d’un regard: aucun plaisir, rien de s’y prête, il veut juste en finir, que ça se fasse puis qu’il s’efface.
» Pourquoi t’es là ? De commun il n’y a plus que le regard aiguisé et le sourire tranchant - à se demander s'ils ont jamais été dans le même camp.

North & Hermès

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— crazed lionsHERMÈS & NORTH

Il ne s’était pas attendu à un accueil chaleureux ; pas venant d’un Darragh, la chaleur d’un foyer n’avait jamais fait partie de leurs habitudes et aucun n’échappait à la règle.
Un ricanement lui vint à la réaction de son frère –il s’était figuré quelque chose de ce genre et il trouva d’un coup tragiquement hilarant qu’il sacha au moins encore deviner à l’avance certaines réactions de sa famille à son égard, lui qui ne reconnaissait plus rien d’antan depuis qu’il était parti.
Hermès hésita, un instant, à rétorquer à North qu’il pouvait le renvoyer s’il ne voulait pas de lui. Mais alors il sera venu pour rien et l’idée de l’impuissance de sa propre volonté l’indigna plus que l’apparente froideur de son frère aîné.
Il marmonna alors un remerciement bref lorsque celui-ci le fit entrer et le guida jusqu’à un salon privé. Un verre d’alcool lui fut servi –North avait décliné mais Hermès s’était figé à la vue du liquide ambré à travers le cristal immaculé du verre, et celui-ci trônait désormais devant lui sur la table comme une tentation angoissante dont il ne saurait se défaire tout à fait.
Il releva les yeux sur son frère, visiblement mal à l’aise dans ce milieu fastueux dans lequel il ne savait plus naviguer.

« J’aurais pas cru que le vieux te laisse quitter la demeure principale aussi longtemps, fit-il avec son habituelle nonchalance qui lui collait à la peau même dans l’angoisse. »

Il peinait à trouver une façon d’entamer la conversation pour l’amener dans la direction qu’il désirait ; une part de lui s’imaginait que les petits bavardages du quotidien auraient des sonorités insultantes aux oreilles de son aîné dont il ne savait jauger à quel point il lui en voulait d’être parti ainsi –mais attaquer de but en blanc en lui demandant les informations désirées ne semblait pas être très propice au succès pour autant.
Hermès au fond, depuis son éveil en traqueur, n’avait plus eu de choix faciles à faire et s’était habitué à faire les mauvais un peu trop souvent. Alors malgré le pressentiment désagréable au creux de son ventre, il se jeta à l’eau.

« Je veux pas t’importuner trop longtemps alors si ça t’arrange on peut sauter les blablas de retrouvailles. »

A-t-on jamais eu grand-chose à se dire, tous les deux ?

« J’ai appris que Bonnibell est partie elle aussi. Est-ce que tu sais vers où ? »

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Il s’est tant amélioré - le voici muet mais finalement intéressé par cette visite inattendue, langue fendue par l’arme secrète qui le retient de ne pas sauter à la gorge de son frère, d’éclater ses poings dans sa gueule de lâcheur, à le défigurer jusqu’à en faire peur. Il étouffe l’agitation qui le prend par le goût du sang ; même la pièce ne pourrait pas la contenir - gangrène qui ne fait que le pourrir, que les mots de son frère ne font que nourrir. La fièvre de l’impatience se fait écho au bruit de son doigt qui tapote l’accoudoir de son siège en un rythme parfaitement mesuré, régulier, insupportable. Il pourrait le tuer et accuser un mauvais mouvement - tellement tentant.
Mais il se cramponne aux remarques risibles de son frère, à sa vraisemblable gêne, à l’incommodité qu’il dégage - c’est le point d’ancrage qui fait barrage alors que l’ombre d’un sourire assombrit ses lèvres. » Pareil. Je pensais devoir attendre qu’il crève.
Et quand il entend sa question, sa demande, la raison pour laquelle il est là - il pense rêver. Il pourrait faire du drapeau blanc un linceul où il le verrait reposer seul. Il va prendre tout ce qui lui reste, en faire un chaos déguisé en trêve. Ses yeux se heurtent aux gouffres de son frère, et il décide de jouer le camarade dans cette mascarade. » Moi qui t'imaginais passer prendre de mes nouvelles…
Il tend la main vers la domestique qui s’empresse de lui remettre le verre qu’il a initialement décliné entre les doigts. Sa chevalière le heurte dans un bruit clair - son de cloche qui annoncerait le début d’un match inconscient. Il se penche ensuite en avant, invite son frère à trinquer. » Bois. Ensuite, raconte-moi un peu ce que tu deviens. Je te dirai enfin où elle est. Il n’a pas prononcé son prénom depuis qu’elle les a quitté et ne s’y risquera pas. C’est dans un ton parfaitement maîtrisé que la proposition se fait, invitation silencieuse à s’y accommoder ou à se plier à l’ignorance. Sois convaincant. Même si on fait semblant, oublie pas que tu parles à ton frère aîné.

North & Hermès

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